Preuve du lien de causalité dans la responsabilité du fait des produits défectueux
Civ. 1, 18 octobre 2017, pourvoi n° 14-18118 à paraître au Bulletin
À l’occasion d’une action en responsabilité engagée à l’encontre d’un fabricant de vaccin par une personne qui, après avoir été vaccinée contre l’hépatite B, a présenté divers troubles ayant conduit au diagnostic de la sclérose en plaques, la Haute juridiction a énoncé qu’« aux termes de l’article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, transposant l’article 4 de la directive 85/ 374/ CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage », que « dès lors, il lui incombe d’établir, outre que le dommage est imputable au produit incriminé, que celui-ci est défectueux » et que « cette preuve peut être rapportée par des présomptions pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ».
La Cour de cassation n’a de la sorte pas tardé à tirer les conséquences de ce que – suite au renvoi décidé par ses soins le 12 novembre 2015 (Civ. 1, 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-18118) – « par arrêt du 21 juin 2017 (W e. a., C-621/15), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que : 1°) l’article 4 de la directive […] doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un régime probatoire national tel que celui en cause au principal en vertu duquel, lorsque le juge du fond est saisi d’une action visant à mettre en cause la responsabilité du producteur d’un vaccin du fait d’un défaut allégué de ce dernier, il peut considérer, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont il se trouve investi à cet égard, que, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit ni n’infirme l’existence d’un lien entre l’administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, certains éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des indices graves, précis et concordants permettant de conclure à l’existence d’un défaut du vaccin et à celle d’un lien de causalité entre ce défaut et ladite maladie. Les juridictions nationales doivent toutefois veiller à ce que l’application concrète qu’elles font dudit régime probatoire n’aboutisse ni à méconnaître la charge de la preuve instituée par ledit article 4 ni à porter atteinte à l’effectivité du régime de responsabilité institué par cette directive ; 2°) l’article 4 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime probatoire reposant sur des présomptions selon lequel, lorsque la recherche médicale n’établit ni n’infirme l’existence d’un lien entre l’administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices factuels prédéterminés de causalité sont réunis ».
C’est dès lors fort logiquement que la Cour régulatrice a approuvé les juges d’appel qui, après avoir notamment relevé que « des études scientifiques ont admis que, lors de l’apparition des premiers symptômes de la maladie, le processus physiopathologique a probablement commencé plusieurs mois, voire plusieurs années auparavant, en sorte que la brièveté du délai entre l’apparition chez [l’intéressé] des premiers symptômes et sa vaccination n’est pas pertinente », ont, sans avoir exigé « la preuve d’une imputabilité abstraite de la sclérose en plaques à la vaccination contre l’hépatite B ni déduit l’absence de présomptions graves, précises et concordantes du seul défaut de consensus scientifique sur l’étiologie de la sclérose en plaques », simplement « estimé, dans l’exercice de [leur] pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui [leur] étaient soumis, que la concomitance entre la vaccination et l’apparition de la maladie comme l’absence d’antécédents neurologiques personnels et familiaux, prises ensemble ou isolément, ne constituaient pas de telles présomptions permettant de retenir l’existence d’un lien de causalité entre les vaccins administrés et la maladie ».