Définition du préjudice d’établissement
Civ. 2, 8 juin 2017, pourvoi n° 16-19185, à paraître au Bulletin
Le présent arrêt a été rendu dans le cadre d’un litige engagé par une personne qui, « ayant été exposée au diéthylstilbestrol (DES) à la suite de la prise de distilbène par sa mère au cours de sa grossesse », a ultérieurement souffert de divers préjudices.
La Cour de cassation a approuvé les juges d’appel qui, « ayant retenu que le préjudice d’établissement répare la perte de la faculté de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité d’un handicap », puis ayant « constaté que Mme Y…, qui réclamait réparation des conséquences de sa stérilité, avait adopté un enfant, ce dont il résultait qu’elle avait fondé une famille », en ont « exactement déduit qu’elle n’avait pas subi un tel préjudice ».
En revanche, la Haute juridiction a estimé que la cour d’appel ne pouvait pas retenir, pour n’indemniser que partiellement les frais exposés par l’intéressée à l’occasion de la procédure d’adoption à laquelle elle a eu recours en 2010, que cette « démarche relève de son choix personnel et ne peut être considérée seulement comme une conséquence de l’impossibilité d’une procréation, que la société ne peut ainsi être tenue d’en assumer intégralement les conséquences financières ».
En statuant de la sorte, « alors que, d’une part, elle avait imputé la stérilité de Mme Y… à son exposition au DES, d’autre part, elle avait relevé que son dossier de stérilité mentionnait un désir d’enfant depuis 2002, qu’elle avait subi en 2006 une hystéroplastie qui n’avait cependant pas permis de grossesse, que cette impossibilité de procréer avait été source de souffrances morales, ce dont il résultait que le recours à l’adoption était la conséquence directe de la faute de la société, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe [de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime] ».
En d’autres termes, les frais exposés à l’occasion d’une procédure d’adoption par la victime devenue stérile à la suite d’une exposition au distilbène imputable à la société ayant commercialisé ce médicament doivent être intégralement pris en charge par cette dernière.