Приоритетный вопрос о конституционности: обзор за 2010-2015 гг.
François-Henri BRIARD, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et Membre de la Société Historique de la Cour Suprême des Etats-Unis propose un panorama 2010-2015 de la question prioritaire de constitutionnalité.
Dans quelques semaines, le Conseil constitutionnel enregistrera une question prioritaire de constitutionnalité qui portera le numéro 500 : un demi-millier de QPC examinées en l’espace de cinq années ! Et plus de 10.000 QPC posées devant les juridictions françaises. Quels enseignements tirer de ce nouveau mécanisme juridictionnel français du contrôle de constitutionnalité a posteriori qui a connu un indéniable succès et dont les développements sont sans doute loin d’être achevés : l’avènement d’une véritable culture constitutionnelle française, une mutation du Conseil constitutionnel, des avancées significatives de l’Etat de droit, des évolutions indispensables à venir.
La Constitution : ce n’est pas la faute à Voltaire mais à Rousseau et au légicentrisme français si, à la différence de l’autre nation messianique du monde, les Etats-Unis d’Amérique, il aura fallu plus de deux siècles pour que notre pays connaisse son premier Marbury c/ Madison, inauguré de l’autre côté de l’Atlantique le 24 février 1803 par une Cour qui a été la pionnière de ce contrôle. La France se dote enfin d’une culture constitutionnaliste et le temps viendra bientôt où la loi fondamentale sera enseignée en classe primaire. Les facultés de droit, les juristes civilistes, les professionnels du droit, tous s’intéressent désormais aux questions constitutionnelles et à la loi fondamentale des français, qui n’est plus regardée seulement comme un instrument de régulation des pouvoirs publics mais bien comme le sommet de l’ordre juridique, garante des droits et libertés de la personne humaine.
Le Conseil constitutionnel : la QPC n’en a certainement pas fait une cour suprême au-dessus des autres. Mais l’institution s’est nettement affirmée, n’hésitant pas à aller jusqu’à censurer une interprétation constante de la loi par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation. Le Conseil est aussi devenu une véritable juridiction, avec une procédure moderne et des débats, l’ensemble se déroulant avec efficacité et performance en trois mois, tous les échanges étant dématérialisés. L’image du Conseil s’est modifiée dans la communauté juridique et dans l’opinion ; il y a désormais en France des juges constitutionnels dont les décisions sont attendues et commentées comme pour d’autres juridictions suprêmes, avec un taux de censure qui n’est pas négligeable (près de 150 depuis l’entrée en vigueur du dispositif). Pour autant, le Conseil a tenu à marquer à plusieurs reprises sa distance et son respect, vis-à-vis du pouvoir d’appréciation du Parlement, à l’égard du droit de l’Union et vis-à-vis des juridictions administratives et judiciaires. Et le Conseil demeure toujours attentif aux exigences de l’action administrative ainsi que de l’intérêt général.
Les progrès de l’Etat de droit : les censures ou réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel depuis 2010 ont permis de nombreuses avancées, le plus souvent d’ailleurs en cohérence avec la jurisprudence de la Cour de Strasbourg : garde à vue et présence de l’avocat, hospitalisation sans consentement, indépendance et impartialité des juridictions, procédure disciplinaire, droit de propriété et transfert d’office de contrats d’assurance, mandats électifs des militaires, visites domiciliaires et voies de recours, publication et affichage des jugements en matière de fraude fiscale… La liste serait longue des QPC qui ont radicalement «nettoyé» des lois parfois anciennes et qui ont ainsi été à l’origine de nombreuses réformes législatives. Sans la procédure de QPC, ces textes auraient subsisté, la théorie de la «loi écran» faisant échec à leur mise en cause a posteriori.
Une révolution en marche : la réforme constitutionnelle de 2008 a été une étape essentielle. Mais le chemin n’est pas achevé. Il faudra d’abord un jour ou l’autre modifier l’ordonnance du 7 novembre 1958 et faire en sorte que le Conseil constitutionnel détienne le pouvoir de choisir lui-même les QPC qu’il entend examiner dans le cadre d’un contrôle diffus, tout juge a quo pouvant saisir le juge constitutionnel. Bien sûr, le partage du «tri» des QPC avec le Conseil d’Etat et la Cour de cassation a été un choix fondateur, qui préservait la place historique de ces deux juridictions suprêmes et qui a été l’instrument d’une cohérence des jurisprudences. Mais il n’est pas concevable que la juridiction constitutionnelle soit privée de la possibilité d’examiner des questions qui lui paraissent importantes, pour la seule raison que d’autres juges ont «fait le tri». Par ailleurs, la France devra cesser d’utiliser le Conseil constitutionnel pour reclasser les anciens présidents de la République ou des personnalités politiques en fin de carrière, et se résoudre à ne choisir que des professionnels du droit, de vrais juges constitutionnels, aux termes d’une procédure de confirmation qui devra être revue. Enfin, il faudra que la structure de l’institution évolue de façon significative avec des moyens matériels et humains sans commune mesure avec ce qui existe actuellement : création d’équipes autonomes de juristes pour chacun des neuf membres, questions et dialogues à l’audience, opinions dissidentes ou concurrentes, motivation plus développée intégrée à la décision (et non dans le commentaire comme c’est le cas actuellement). Un bel avenir s’offre ainsi au Conseil constitutionnel, pour le plus grand bien des droits et libertés garantis par la Constitution des Français.
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François-Henri BRIARD