Tax abuse : artificiality first !
Mieux lutter contre la simulation et la fraude à la loi fiscale. Le 25 octobre 2017, le Conseil d’Etat a précisé, en formation plénière, sa conception de l’abus de droit fiscal[1]. Le message est double. D’abord, confirmer la possibilité d’appliquer l’abus de droit par fraude à la loi dans un contexte international, en l’occurrence une stipulation d’une convention fiscale internationale de portée générale. Ensuite, consacrer explicitement l’approche selon laquelle les auteurs d’un texte fiscal ne peuvent jamais avoir eu pour intention d’en faire bénéficier un montage artificiel.
En l’espèce, à dire vrai, les faits fleuraient bon l’odeur du montage justifié par aucun motif autre que fiscal. Le contribuable avait conclu une promesse d’achat d’un bien immobilier situé en France avec une faculté de substitution. Il en avait fait usage au profit d’une société luxembourgeoise créée le même jour par apport des titres de sa société française. Ensuite, l’immeuble avait été revendu avec une plus-value à une société marchand de biens créée entre-temps en France et dirigée par son ex-épouse…, et ceci avant l’entrée en vigueur du nouvel avenant mettant fin à la double exonération…
Le contribuable persistait tout de même à penser que la circonstance que la société luxembourgeoise était une structure préexistante, pourvue de substance, permettait de justifier le montage. Toutefois, le Conseil d’Etat a clarifié la notion de substance. Elle doit s’apprécier au regard non seulement de la nature de la société mais aussi de la nature de l’opération réalisée par la société intervenante. Or, en l’espèce, l’interposition de cette société « n’était justifiée par aucun motif économique, organisationnel ou financier ». Elle n’avait « jamais développé aucune autre activité immobilière en dépit du changement, d’ailleurs postérieur à l’acquisition litigieuse, de son objet social ».
Le contribuable faisait également valoir qu’il ne s’était pas fondé sur une application littérale des textes mais sur leur application par la jurisprudence. La double exonération d’impôts reposait sur l’absence de stipulations régissant spécifiquement les revenus des entreprises industrielles et commerciales tirés de l’aliénation de leurs biens immobiliers.
Toutefois, même sans document sur leur intention initiale, le Conseil d’Etat a estimé que les « les Etats parties à la convention fiscale franco-luxembourgeoises ne sauraient être regardés comme ayant entendu pour répartir le pouvoir d’imposer, appliquer ses stipulations à des situations procédant de montages artificiels dépourvus de toute substance économique ».
Il en résulte que, dorénavant, lorsque l’opération est artificielle, le juge n’a plus besoin de rechercher l’intention des auteurs du texte dans la mesure où, si le but exclusivement fiscal est prouvé, l’abus de droit est constitué !
Pierre Masquart
[1] CE, 25 octobre 2017, n°396954.